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lundi 4 mars 2013

Coups de coeur du Café des Palabres, de Marie-Claude et de Thérèse



Coup de cœur Marie- Claude

Marie Talabot

Une Aveyronnaise dans le tourbillon du XIXe siècle de Louis Mercadié

Editeur : Rouergue 
Louis Mercadié propose ici un voyage passionnant à travers la vie d'une femme injustement dénigrée par les siens. Le parcours de Marie nous est conté de manière très vivante. Tout en s'appuyant sur un travail de recherche bien documenté, l'auteur parvient à établir un essai romanesque qui tient en haleine le lecteur. Ce dernier imagine ainsi aisément les différences entre la vie des sociétés rurales et celle de la haute bourgeoisie du XIXe siècle. Il comprend aussi les liens qui les unit. Marie Talabot, malgré son ascension sociale hors norme, n'oublia jamais ses origines et fut présente auprès des siens chaque fois qu'elle en eut la possibilité. Elle fut également une réelle conseillère pour son compagnon. C'est cette image que je retiendrai, celle d'une femme qui a su s'affirmer en un XIXe siècle très misogyne. Cet ouvrage est à découvrir, à redécouvrir et à faire partager au plus grand nombre. Félicitations à Louis Mercadié


La vagabonde de Colette

Coup de cœur Thérèse


La Kahina de Gisèle Halimi

Est-ce un ouvrage historique ? Est-ce un roman ? Un roman historique ? Le lecteur est désemparé dès qu’il plonge dans l’ouvrage que Gisèle Halimi a consacré à la grande héroïne judéo berbère. Si l’on comprend bien l’intérêt de l’avocate féministe – par ailleurs juive et née en Tunisie – pour cette figure féminine de résistance, la gêne s’installe au fur et à mesure de la lecture, face à l’impossibilité de l’auteur de choisir un genre littéraire et de s’y tenir. Alors que le destin légendaire de cette femme intrigue, que son altière figure fascine, que viennent faire au milieu d’une description de paysages, ou de la relation de ses amours, telle ou telle note savante de bas de page ? La traduction de tel mot berbère ? Le nom romain de tel lieu présenté sous son nom berbère ? Faits avérés (peu), légendes (nombreuses), mémoires concurrentes (juive, berbère) s’entremêlent, laissant le lecteur face à un dossier ruisselant d’érudition savante (il ne compte pas moins de 8 pages de références bibliographiques), alors que nous suivons la guerrière en train de se maquiller, de se préparer à recevoir son amant, ou en train de commander à ses hommes.
 Pourquoi un roman de la célèbre avocate féministe sur cette héroïne ? Et même pourquoi un roman de plus sur elle ? Celui de Gisèle Halimi vient en effet après ceux de Roger Ikor, de Didier Nebot1 et de quelques autres encore. Peut-être parce que plus que l’essai historique, le roman permet de combler les zones obscures par l’imagination ; et aussi parce que l’identification à l’héroïne, l’empathie manifeste de l’auteure pour la chef de guerre, pour la femme indépendante, permettent, plus qu’un essai rigoureux, de la présenter avec ses doutes, ses hésitations, ses coups de cœur ; peut-être enfin est-ce une fois encore pour se démarquer de sa mère (on peut rappeler la relation de leurs rapports difficiles dans son livre Fritna2 et se situer dans la lignée de ses père et grand père dont elle confie dans l’avant propos qu’ils la bercèrent, petite, des hauts faits de la Kahina.
1 Roger Ikor, La Kahina, Paris, Encre, 1979 ; Didier Nebot, La Kahéna, reine d’Ifrikia, Ed Anne Carr (...)

2Fritna, Paris, Plon, 1999
3 Ibn Khaldoun, Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique septentrionale, trad. (...)

 La Kahina, une reine juive en Berbérie ? Les origines des communautés juives en Afrique du Nord remontent à la plus haute antiquité, probablement dès l’époque de la fondation de Carthage, au viiie siècle avant J.-C. Des Juifs vivaient là certainement déjà deux siècles avant notre ère. Des Judéens s’installèrent au Maghreb, chassés par les Ptolémées, puis par les Romains après la destruction du Temple en 70 après. J.-C. A la suite de la violente insurrection des Juifs de Cyrénaïque, sous le règne de Trajan, celui-ci, après les avoir écrasés, déporte les survivants dans la province de Maurétanie (Maghreb actuel, à l'ouest de Constantine). Dès l’époque romaine, ces Juifs du Maghreb convertissent des tribus berbères : la plus célèbre d'entre elles, celle des Djeraoua, a pour reine, au viie siècle, celle que l’on surnomme la Kahina. Son vrai nom est Dihya : la belle, ou la devineresse en amazigh. Sa généalogie démarre avec l’ancêtre Guerra, dont le nom signifie converti (guer) en hébreu, mais qui est présenté comme l’un des descendants de Aaron le Grand Prêtre (Kohen), frère de Moïse. Cet ancêtre a fondé la tribu des Djeraoua (Guerraoua : les convertis ?) qui vit dans les Aurès, à l’est du Maghreb, dans une région qui s’étend de la Constantine actuelle à la Tunisie. Une tribu qui opposa, selon le récit d’Ibn Khaldoun3, une vive et ultime résistance à la conquête arabe de l’Afrique du Nord entre 695 et 700 : « Une partie des Berbères professait le judaïsme, religion qu'ils avaient reçue de leurs puissants voisins, les Israélites de la Syrie. Parmi les Berbères juifs, on distinguait les Djeraoua, tribu qui habitait l'Aurès et à laquelle appartenait, parmi leurs chefs les plus puissants, la Kahena, reine du Mont Aurès, dont le vrai nom était Dahia, fille de Tabet, fils de Guerraoua (…). Hassan ibn Nouman emporta d’assaut la ville de Carthage (…). Après cette victoire, il demanda quel était le prince le plus redoutable parmi les Berbères, et ayant appris que c’était la Kahena, il marcha contre elle (…) mais cette dernière mena ses troupes contre les musulmans… et, les attaquant avec un acharnement extrême, les força à prendre la fuite après leur avoir tué beaucoup de monde (…). La Kahéna rentra dans son pays et continua pendant cinq ans à régner sur l’Ifrikia. Hassan revint en Afrique à la tête de nombreux renforts. À son approche, la Kahéna fit détruire toutes les villes et fermes du pays, depuis Tripoli jusqu’à Tanger. Mais elle fut abandonnée par ses alliés qui virent avec un déplaisir extrême la destruction de leurs biens (…). La Kahéna fut battue et tuée dans le Mont-Aurès. L’offre d’une amnistie générale décida les vaincus à embrasser l’islam ».
Juive et Berbère ? Juive ou Berbère ? Véritable héroïne africaine, objet de multiples légendes, légende ou réalité, la Kahina, Déborah berbère, nourrit l’imaginaire des Juifs du Maghreb. Symbole de la résistance berbère face à l’envahisseur arabe, elle est aujourd’hui un symbole du mouvement berbère aux côtés de Massinissa et de Jugurtha. Revendiquée par les uns et les autres, sa seule évocation déclenche de très violentes polémiques dont Internet se fait l’écho, polémiques encouragées par la difficulté qu’ont les historiens actuels à trancher pour une hypothèse ou l’autre. Mais pour Gisèle Halimi, c’est une héroïne juive, à l’égal de Déborah, ou de Judith (comme elle, elle est sensée avoir tranché la tête de celui qui tyrannisait son peuple). Juive, c’est aussi une héroïne berbère, attachée au sol qui l’a vue naître, rebelle à tout pouvoir étranger. C’est une femme fière, libre, sûre de ses convictions. En cela, emblématique de ces peuples luttant pour leur indépendance, aux côtés desquels s’est toujours placée l’avocate, et emblématique aussi des femmes qui combattent pour leur émancipation et leurs droits, à la tête desquelles s’est aussi placée l’auteure. Symbole d’une double appartenance, d’une double culture, d’une identité plurielle, entre lesquelles le choix est difficile, sinon impossible. « Roman » de ses origines, à travers un ouvrage qui n’est pas seulement historique, Gisèle Halimi nous parle métaphoriquement, à travers cette guerrière indomptée, d’elle-même et de ses combats


Du Café des Palabres
 
Une Mort très douce de Simone de Beauvoir (correspondance)
 
Syngué Sabour ou Pierre de patience de Atiq Rahimi qui va passer à studio 7

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