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mercredi 19 juin 2013

Interview de Pascal Dessaint par Marie-Claude

Marie-Claude est allée à la découverte de Pascal Dessaint de passage dans notre ville.
Elle a osé et nous livre une interview sensass. Bravo !




Avec Marie-Claude ! (A la librairie Escalire)



BIOGRAPHIE


Il est né en 1964 et partage sa vie entre le nord de la France et Toulouse où il vit aujourd'hui. Passionné par l'écriture très jeune, son père, ouvrier, disait qu'il n'écrivait que des mensonges. Sa mère, elle, disait que lire rendait moins bête. Il écrit son premier roman l'année de son bac. Il lui faudra dix ans pour être publié. Aujourd'hui les éditions Payot&Rivages publient ses romans et ses chroniques.
Ses romans ont été récompensés par plusieurs prix importants dont le Grand Prix de la littérature policière  pour Du bruit sous le silence, le Grand Prix du roman noir français du Festival de Cognac  pour Loin des humains et le Prix Mystère de la Critique pour Bouche d'ombre et Cruelles Natures.



MAINTENANT LE MAL EST FAIT

Résumé : Une bande de copains, 12 adultes, parfois adolescents dans leur comportement, prennent tour à tour la parole, exprimant leur ressenti à la suite de la mort de l'un d'entre eux, Bernard, suivie de la disparition troublante de Serge, son meilleur ami. Ces deux événements bouleversent la vie du groupe. L'histoire débute par une dispute sévère entre les deux futurs morts : Bernard et Serge. Comme dans une pièce de théâtre, les personnages entrent en scène et racontent leur perception des faits avant, pendant et après l'enterrement de Bernard et le suicide de Serge. Cette petite communauté d'hommes et de femmes, à la sexualité exacerbée, s'aiment, se haïssent, se trompent, boivent, trop parfois, se chamaillent. Dès la première ligne du livre, Edith raconte l'issue de l'histoire : Serge s'est jeté du haut de la falaise "poussé par des mains invisibles". Ils culpabilisent tous mais restent soudés autour de leurs morts. Au-delà d'un roman sur l'amitié et les risques qu'elle fait courir, il est également question des rapports complexes que les hommes entretiennent avec la nature.


INTERVIEW

MCC : J'ai compté le nombre de fois que vous donnez la parole aux personnages. Marc est le personnage qui s'exprime le plus. Elodie ne s'exprime jamais, pourquoi?
PD : RIRE… Et oui…
Il y a une rythmique particulière, une entrée en scène et une sortie de scène qui n'est pas forcément sous mon contrôle entier. Ça résulte d'une combinaison, d'une logique du récit. Est-ce qu'Elodie n'avait pas sa place au titre de personnage principal, sans doute, mais elle est très présente par ailleurs. Compte tenu de son tempérament, elle est suffisamment présente pour que, en plus elle ne prenne pas la parole. Ce n'était pas un personnage positif que j'avais envie de développer d'autant plus que j'ai développé pas mal son mari Bernard. Ensuite lorsqu'elle prend en main les affaires de la famille, elle est très présente et essentielle dans le processus dramatique du récit car elle est déterminante par la relation avec sa fille adolescente et le fait qu'elle soit présente le jour de la mort de son mari. Mais ça ne relève pas de la mathématique, je n'ai d'ailleurs pas compté le nombre de fois que les personnages prennent la parole.

MCC : Moi, si. Par exemple, Marc parle 6 fois.
PD : Marc, c'est mon préféré.

MCC : Comme dans une pièce de théâtre, les personnages entrent en scène. Lors de l'écriture de votre livre, est-ce que ce sont les évènements qui ont primé et ordonné l'ordre d'entrée en scène des personnages ou est-ce la personnalité de chacun qui a façonné ce sociodrame? 
PD : C'est toujours curieux, comment ça se met en place. Il y a un personnage qui est la première voix et qui est déterminante. Le premier personnage donne la tonalité. Donc, le personnage créait de l'action, l'action transforme le personnage. On ne peut pas dire que c'est l'un ou l'autre … Tout est mêlé mais les personnages sont quand même déterminants.

MCC : Il semble que pour vous la femme est une énigme. Vous avez écrit "un problème qui peut trouver une issue dans l'acte sexuel ? "
PD : J'ai écrit, ça moi ?...

MCC : Marc dit: "La femme est  supérieure à l'homme" 
PD : Elle a une certaine supériorité dans la maitrise de ses sentiments déjà. Les forces sont variables selon les tempéraments. Il y a des hommes qui sont mentalement extrêmement puissants, on parle là d'une puissance spirituelle, culturelle, intellectuelle. Il faut reconnaître que les femmes ont beaucoup plus d'atouts et un sens de la nuance beaucoup plus fort.

MCC : Paradoxalement, il semble que pour vous, les hommes ont des sentiments plus sincères entre eux : amitié ou haine. L'amitié d'une femme est-elle toujours feinte?
PD : Ah, non… ca c'est votre ressenti. Entre Garance et Elsa il y a une réelle d'amitié. C'est quand même une amitié ambiguë, comme peut l'être une amitié virile entre hommes. Il y a toujours une lisière entre l'amour et l'amitié. Ce sont des personnages très complexes dans leurs sentiments, dans leur construction mentale. Dans un livre comme ça, un psychodrame, ma volonté est de révéler toute la complexité de l'humain. Si mes personnages de temps et temps ont des paroles définitives, ça les regarde ! Je ne partage pas tous les points de vue de mes personnages, heureusement.

MCC : Vous écrivez page 190 : "les amis sont parfois plus redoutables qu'une corde pour se pendre". Mais c'est quoi l'amitié ?
PD : L'amitié vous fait faire des bêtises. Vous pouvez par amitié aller jusqu'au meurtre, pour sauver un être cher. Comme l'amour, d'ailleurs ! Le vrai sentiment est dangereux dans la manière de l'éprouver et aussi dans sa traduction dans la vie réelle.

MCC : La mort rode au fil des pages. Elle semble faire "grandir" Justine après la mort de son père. Elle éveille en elle "des sentiments de colère de vengeance, méchanceté, des envies malsaines… " C'est une réaction propre à la jeunesse ?
PD : C'est une question de tempérament. Justine est très tourmentée. Avec Justine, on est dans une logique de vie. Elle a des tourments comme beaucoup d'adolescents et elle est tout d'un coup confrontée à la mort d'un père qui en apparence n'était pas le père le plus subtil qu'il soit. Mais avec la mort d'un proche on a toujours une transformation de soi. On murit inévitablement.

MCC : Marc termine le livre et l'amour filial semble triompher. L'amour filial serait-il finalement "Le" vrai amour ?
PD : C'est ce qui fait qu'une mère va soulever une voiture lorsqu'elle a son enfant dessous. C'est un père qui se jette à la rivière parce que son fils va se noyer…  C'est ce qui est plus fort que tout. Oui, l'amour filial est l'amour ultime mais il faut être construit comme ça ! Il y a tant de parents qui maltraitent leurs enfants…. L'amour ça s'apprend.

MCC : Avez-vous l'âme d'un bâtisseur comme Bernard ? Ce roman, en particulier, vous permettra-il de "laisser une trace sur la terre, à défaut de la dominer ?"
PD : Oui, on a un peu ce fantasme en tant que créateur de laisser une trace. J'ai appris que je faisais mon entrée dans l'encyclopédie Universalis ; ça me fait plaisir, ça me fait Grand plaisir, même. La confirmation d'un travail accompli, oui, je suis un bâtisseur mais moi c'est l'encre et pas le béton. Mais je suis fasciné par un personnage comme Bernard car c'est un personnage entier et pas méchant.

MCC : Finalement, connaissez-vous le nom de cet insecte qui fascine Serge et qui fait penser à un colibri butinant les géraniums ? Je peux vous le dire si vous ne le savez pas.
PD : RIRE…..
Je suis content, on ne m'avait pas encore posé cette question.
Le jeu, c'est de ne pas donner le nom. C'est important dans la psychologie du personnage de Serge. Il n'est pas dans la désignation des choses ; il collecte, c'est un botaniste, un ornithologue, celui qui est dans cette posture "contemplative", poétique… j'aurais dû le lui demander !
 Oui bien sûr que je connais le nom… Et il y a deux espèces.
C'est Mon sphinx !
MCC : MERCI

Merci à toi Marie-Claude !