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samedi 15 mai 2021

Serge JONCOUR son roman Nature Humaine

 

une rencontre en Visio conférence en MARS 2021

 

Biographie de Serge Joncour

Né en 1961 à Paris d’une famille lotoise, Serge Joncour  a pratiqué de nombreux métiers et a beaucoup voyagé.

Il s’est lancé dans l’écriture après un court séjour en faculté de philosophie.

Il publie son  1er roman  Vu  en 1998, à 37 ans, puis L’idole qui sera adapté au  cinéma en 2012. Cette même année, il écrit le scénario  Elle s’appelait Sarah,  roman de Tatiana de Rosnay.

En 2015, son roman L’écrivain national  reçoit un prix et en 2016, Repose toi sur moi  reçoit le prix Interallié. Avec le titre Chien-loup, il  a reçu le prix du roman écologique.

Avec  son dernier Livre Nature Humaine, il reçoit le prix Femina en 2020.

Ses livres sont traduits dans quinze  langues.

Les photos de S. Joncour  montrent  un homme bien  sympathique, on l’imagine ermite, bûcheron, homme des bois. Les vidéos montrent son attachement à la terre du lot, cette terre qu'il décrit si bien dans  ses livres.  Son souci est de préserver la nature qui nous entoure.

 



 

 

L’Ecrivain National     -publié le 27/08/2014-

Dans ce livre, S. Joncour  déroule une histoire à haute tension à la Chabrol et l’assassin ne sera pas celui qu’on croit.

Le héros de l’histoire, écrivain national et prénommé Serge comme l’auteur, s’installe en résidence dans une petite ville du centre de la France, où il est invité par un couple de libraires.  Il doit promouvoir  la région et animer des ateliers d’écriture. Il découvre un fait divers dans la gazette locale, un vieux maraîcher très riche à la retraite a disparu, un jeune couple de marginaux est soupçonné de meurtre. 


La photo de Dora, parue dans le journal,  le fascine et il va mener  sa propre enquête,  dans l’espoir de se rapprocher de cette magnétique jeune femme, sous le regard suspicieux  des habitants.  Tous les personnages qui gravitent autour de l’écrivain sont très bien campées, particulièrement les libraires, le maire, l’hôtelière, Dora, etc.

Ce roman facile à lire et très vivant,  est rempli de scènes cocasses comme celle de l’atelier d’écriture pour les illettrés et celle des obligations, auxquelles l’écrivain doit se soumettre. S. Joncour  souligne que le fait divers est le point de départ pour de nombreux écrivains, ils mélangent leur vécu et la fiction, c’est pourquoi, on qualifie leur ouvrage d’autofiction.

 

 

Nature Humaine   -paru le 19/08/2020- 

Ce roman couvre trois décennies de notre vie commune, de l'été 1976 et sa grande sécheresse, à l'aube de l'an 2000, lors de la terrible tempête du dernier Noël du siècle. Pour l'auteur, cet événement commun fut perçu comme un signe et l'idée de ce roman lui est apparue.

Alexandre a grandi dans la ferme familiale qu'il va reprendre à son compte, aidé d'un baccalauréat agricole. Ses trois sœurs sont parties vers les grandes villes et vers des métiers  intellectuels ou culturels.

Nature humaine parle d'une mutation de la société, de combats d'hommes et de femmes pour sauver la campagne française tout en espérant un modèle social nouveau. S. Joncour nous rappelle les luttes pour préserver le Larzac, les oppositions au nucléaire, en particulier à la construction de la centrale de Golfech, combats où Alexandre se trouve mêlé malgré lui. Et puis il y a Constanze, cette jeune étudiante allemande de l’est, dont il tombe amoureux et qu'il retrouve de temps à autre. Constanze  rêve d'un monde meilleur jusqu'à s'engager dans l'humanitaire. 


Chaque période décrite, apporte  son lot de souvenirs qui parlent à chacun : les grandes surfaces juste sorties de terre (Mammouth qui écrase les prix) et qui allaient provoquer une mutation sociétale énorme jusqu'à pousser les exploitations agricoles à s'agrandir et à s'endetter, les meetings de Mitterrand jusqu'au soir de son élection, le Minitel, l'odeur de patchouli de Constanze, les glaces Kimpouss qui coulaient sur nos doigts poisseux, le jambon sous plastique qui remplaça celui goûteux que l'on faisait à la ferme, le développement des autoroutes et leurs conséquences à l'échelle humaine, la catastrophe de Tchernobyl, ...  Donc, la promesse d'un monde nouveau plus joyeux qui s'amenuise au fur et à mesure que l'an 2000 approche.

S. Joncour  montre également la fracture entre la ville et la campagne,  il interroge les choix politiques ou sociétaux qui ont été faits sans prendre parti. Pour lui, nos émotions viennent d'un savant mélange entre notre vécu intime et celles suscitées par les événements du monde.... Et ce roman fait remonter les deux dans la conscience du lecteur.

Extraits :

1/ (page 191) «Juste avant vingt heures, le silence se fit sur le plateau, et là il y eut un décompte comme pour les fusées de cap Canaveral. Ensuite le sommet d'un crâne commença de se dessiner comme sur l'écran d'un Minitel, une calvitie qui pouvait être aussi bien de gauche que de droite, pendant deux secondes, la France resta le cul entre deux chauves, et finalement c'est le visage de François Mitterrand qui apparut, constitué de milliers de petits points électroniques, bleus, blancs, rouges. Dans la maison, tout comme à la télé, il y eut un blanc. Un silence. Puis très vite l'image bascula sur une caméra qui devait être en direct rue de Solferino, et là, pour le père ce ne fut plus supportable de voir ça, cette ébriété qui collait à tous les visages, des hilares encombrés de rose qui se mettaient à s'embrasser, se piquant sans doute avec les épines, s’étreignant en se faisant mal. Le père se leva pour éteindre la télé mais Vanessa et Agathe voulaient regarder, tout comme la mère d'ailleurs, qui disait qu'on n'en est plus à une catastrophe près. Le père referma la petite porte des commandes de la télévision, comme s'il voulait en voler la clé, puis, de dépit, il baissa juste le son et sortit dans la cour. » 

2 /  (page 257) «Édouard ne dit plus rien. Il ne s'était jamais figuré cela en roulant sur une autoroute, il n'avait jamais pensé aux milliers de petits désastres que ça avait dû occasionner, chaque kilomètre d'autoroute recouvrait mille drames, des fermes coupées en deux, des exploitants expulsés, des forêts déchirées en deux et des maisons sacrifiées, des chemins coupés net et des rivières détournées, des nappes phréatiques sucées... Alors il en resta là, mais surtout il ravala la réflexion qu'il s'était faite tout le long de l'interminable nationale 20, et ensuite en roulant sur ces petites route, parce que c'est tout de même un sacré parcours de venir depuis Paris jusqu'ici, et une autoroute ça ne ferait pas de mal à la région, voilà ce qu'il s'était dit. »

                                                                                                                      Corinne

 

Anne rajoute un argumentaire sur le roman Nature Humaine :

Souvenirs malheureux qui me reviennent à la mémoire :  le Larzac, la marée noire de l’Erika, le début du SIDA,  etc.

Mais aussi les souvenirs heureux  :  les pattes d’éph,  les maxi-manteaux pour ce qui est de la mode, pour les odeurs, le patchouli et le santal, les speakers de l’époque (Claude Sérillon et Bernard Rapp), les indicatifs TV, les séries TV (l’homme à la péniche, Arsène Lupin, chapeau melon et bottes de cuir), les tubs sur lesquels on a dansé (CarelessWhisper de Georges Michaël  cité dans le roman), les groupes (Nirvana, Pink Floyd),  les meubles en formica  qui reviennent à la mode (vintage), etc.

Les progrès : naissance de l’Europe et du libéralisme, les premiers pas de l’homme sur la lune en 1969.

Les dérives : la course à la mondialisation avec le développement de la culture intensive et les animaux élevés en batterie, les veaux aux hormones.

Ce roman est  très agréable à lire, très bien documenté. Il est agrémenté de passages très drôles (histoire du taureau page 247).


 

Des passages  réalistes, émouvants et poétiques (voir le passage sur l’oncle Lucien  pages 98/99 et la promenade de la mère dans ses terres pages 138/140). Ce roman est à la fois  une ode à la nature et à l’humain d’où son beau titre. Comme dans ses autres romans, on retrouve le même genre de personnages attachés à leur terroir. S. Joncour dit lui-même à propos de Nature humaine que  si le livre était sorti l’année d’avant,  on n’aurait vu qu’un type qui travaillait la terre dans une campagne à laquelle on ne faisait pas trop attention, alors que, avec le confinement, il prend une autre dimension, on s’immerge dedans avec une soif de retour à la terre.

 

 L’Amour sans le faire  -publié le 22/08/2012-

 Après dix ans d’absence, Franck revient  à la maison de ses parents. Il quitte la ville pour retourner vers son passé, sa campagne natale dans le Lot. L’histoire se déroule dans cette ferme perdue au beau milieu d’une région vouée à l’agriculture et dont on devine que les lendemains  seront difficiles.

«On ne refait pas sa vie, c’est juste l’ancienne sur laquelle on insiste», pense Franck en arrivant à la ferme.

 Il y retrouve sa belle-sœur, Louise, femme de son jeune frère Alexandre (mort dans un accident de chasse.) qui vient de s’y rendre elle aussi, pour retrouver  son fils, Alexandre, (petit être prénommé ainsi en mémoire d’Alexandre son père) qui habite avec ses grands-parents à l’année.  


L’été sa mère vient comme prévu le retrouver.  C’est  Alexandre, le moteur du roman, en reliant  tous les personnages. Il tient une place essentielle dans le livre. Sa présence, permet d’apaiser les dissensions entre eux. Ce n’était donc  pas prévu,  qu’au même moment, et sans prévenir personne, cet oncle Franck décide de venir renouer avec ses racines.

Ce retour au passé après sa rupture, révèle un conflit de génération avec son père. Le fils qui devait reprendre la ferme étant décédé, c’est à lui, Franck, de la reprendre. Mais Franck est sorti du schéma familial, il est parti de la ferme. Sauf que, lorsque l’on sort du schéma familial, cela relève de la trahison affective, sociale et historique. Les deux hommes sont dans l’incapacité de communiquer, de partager. La reprise du contact est impossible entre les deux. L’absence de verbalisation empêche toute cicatrisation.

 Le jeune frère décédé, a laissé des empreintes dans chaque pièce et toute cette  famille nostalgique, semble  prostrée et figée dans le souvenir. Chacun y  cherche ses marques  dans les gestes du quotidien.

 Le temps a passé, la ferme familiale a vieilli, mais ces retrouvailles inattendues vont bouleverser le cours des choses. Franck et Louise abîmés par la vie, se parlent peu, mais semblent se comprendre. 

(Extrait du livre, page 221) « Ne pas pouvoir s’aimer, c’est peut-être encore plus fort que de s’aimer vraiment (…) l’amour sans y toucher, l’amour chacun le garde pour soi, comme on garde soi sa douleur, une douleur ça ne se partage pas, une douleur ça ne se transmet pas par le corps, on n’enveloppe pas l’autre de sa douleur comme on le submerge de son ardeur. C’est profondément à soi une douleur. L’amour comme une douleur, une douleur qui ne doit pas faire mal. ».

Dans le silence de cet été chaud et ensoleillé, autour de cet enfant de cinq ans, «insister» finit par ressembler, tout simplement, à la vie réinventée.

 J’ai lu ce roman en une nuit, tant l’écriture est  facile et fluide. J’ai bien aimé cette histoire  à la fois simple  et complexe vu le contexte,  mais aussi délicate, toute en nuances et émotions. Pudique, sensuel, profondément humain, S. Joncour  dépeint en finesse et avec beaucoup de tendresse l’âme humaine qui s’éveille à la vie,  un amour non réalisé mais ressenti  jusqu’au plus intime. Il nous fait pénétrer dans l’univers brûlant des sentiments retenus.

Conclusion : Quel bonheur d’avoir pu découvrir cet auteur, nous attendons avec impatience la suite des aventures d’Alexandre.

                                                                                                                             Michelle