"Journal d'un Caméléon" Extrait
« L’homme n’existait pas.
Estève voulait bien concéder qu’il existait des individus, des
créatures. Mais l’homme, non, il ne connaissait pas. Il ne l’avait
jamais vu. Il ne l’avait jamais rencontré ni même aperçu. Et pourtant,
toute sa vie, on avait tout fait pour le persuader du contraire. A
l’école, à l’armée, aux Beaux-Arts encore où on voulait absolument lui
faire croire que la Peinture existait toujours, alors qu’il suffisait
d’avoir entendu une fois dans sa vie parler de Marcel Duchamp pour
savoir qu’elle était morte et bel et bien enterrée depuis des lustres.
Son père, sa mère, les femmes qu’il avait aimées, tous avaient voulu
qu’ils soient un homme. L’homme, pensait-il, n’existait pas plus que la
pipe de Magritte et cet être dont on lui parlait et qu’il aurait fallu
qu’il devienne n’était rien d’autre qu’un uniforme qu’on voulait qu’il
endosse pour le brider à volonté.
Ni Dieu ni Maître. Ni
humain ni citoyen, proclamait-il, lui qui n’avait jamais voté et s’était
servi dans le temps de sa carte d’identité pour confectionner les
filtres de ses joints.
Il aurait bien voulu
être un chien ou un cheval. Il aurait même accepté de bon gré une vie de
paon, de papillon ou de hérisson. Mais homme, c’est vraiment parce
qu’il n’avait pas eu le choix. Il ne s’était d’ailleurs jamais gêné pour
l’être le moins possible. Dès la petite enfance, il avait réclamé des
crayons de couleur, des gouaches, des feutres, et depuis il consacrait
son temps à peinturlurer le beau costume qu’on voulait lui faire porter.
À la rigueur, le seul rôle qu’il voulait bien accepter de jouer c’était celui d’Arlequin. »
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Jacqueline et notre invité Didier Goupil, auteur toulousain |
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Marie-Claude et Evelyne |
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Thérèse et Marie-Claude attentives |
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Public conquis assurément ! |