Marie-Claude est allée à la découverte de Pascal Dessaint de passage dans notre ville.
Elle a osé et nous livre une interview sensass. Bravo !
Avec Marie-Claude ! (A la librairie Escalire)
BIOGRAPHIE
Il est né en 1964 et partage sa vie entre le nord de la
France et Toulouse où il vit aujourd'hui. Passionné par l'écriture très jeune,
son père, ouvrier, disait qu'il n'écrivait que des mensonges. Sa mère, elle,
disait que lire rendait moins bête. Il écrit son premier roman l'année de son
bac. Il lui faudra dix ans pour être publié. Aujourd'hui les éditions
Payot&Rivages publient ses romans et ses chroniques.
Ses romans ont été récompensés par plusieurs prix
importants dont le Grand Prix de la littérature policière pour Du bruit sous le
silence, le Grand Prix du roman noir français du Festival de Cognac pour Loin des
humains et le Prix Mystère de la Critique pour Bouche d'ombre et Cruelles
Natures.
MAINTENANT
LE MAL EST FAIT
Résumé : Une bande de copains, 12 adultes, parfois adolescents dans
leur comportement, prennent tour à tour la parole, exprimant leur ressenti à la
suite de la mort de l'un d'entre eux, Bernard, suivie de la disparition
troublante de Serge, son meilleur ami. Ces deux événements bouleversent la vie
du groupe. L'histoire débute par une dispute sévère entre les deux futurs
morts : Bernard et Serge. Comme dans une
pièce de théâtre, les personnages entrent en scène et racontent leur perception
des faits avant, pendant et après
l'enterrement de Bernard et le suicide de Serge. Cette petite communauté
d'hommes et de femmes, à la sexualité exacerbée, s'aiment, se haïssent, se
trompent, boivent, trop parfois, se chamaillent. Dès la première ligne du
livre, Edith raconte l'issue de l'histoire : Serge s'est jeté du haut de la
falaise "poussé par des mains
invisibles". Ils culpabilisent tous mais restent soudés autour de
leurs morts. Au-delà d'un roman sur l'amitié et les risques qu'elle fait
courir, il est également question des rapports complexes que les hommes
entretiennent avec la nature.
INTERVIEW
MCC : J'ai compté le nombre de fois que vous donnez la parole
aux personnages. Marc est le personnage qui s'exprime le plus. Elodie ne
s'exprime jamais, pourquoi?
PD : RIRE… Et oui…
Il y a une
rythmique particulière, une entrée en scène et une sortie de scène qui n'est
pas forcément sous mon contrôle entier. Ça résulte d'une combinaison, d'une logique
du récit. Est-ce qu'Elodie n'avait pas sa place au titre de personnage
principal, sans doute, mais elle est très présente par ailleurs. Compte tenu de
son tempérament, elle est suffisamment présente pour que, en plus elle ne
prenne pas la parole. Ce n'était pas un personnage positif que j'avais envie de
développer d'autant plus que j'ai développé pas mal son mari Bernard. Ensuite lorsqu'elle
prend en main les affaires de la famille, elle est très présente et essentielle
dans le processus dramatique du récit car elle est déterminante par la relation avec sa fille adolescente et le fait qu'elle soit présente le jour de la mort de
son mari. Mais ça ne relève pas de la mathématique, je n'ai d'ailleurs pas
compté le nombre de fois que les personnages prennent la parole.
MCC : Moi, si. Par exemple, Marc parle 6 fois.
PD : Marc, c'est mon
préféré.
MCC : Comme dans une pièce de théâtre, les personnages entrent en scène.
Lors de l'écriture de votre livre, est-ce que ce sont les évènements qui ont
primé et ordonné l'ordre d'entrée en scène des personnages ou est-ce la
personnalité de chacun qui a façonné ce sociodrame?
PD : C'est toujours
curieux, comment ça se met en place. Il y a un personnage qui est la première
voix et qui est déterminante. Le premier personnage donne la tonalité. Donc, le
personnage créait de l'action, l'action transforme le personnage. On ne peut
pas dire que c'est l'un ou l'autre … Tout est mêlé mais les personnages sont
quand même déterminants.
MCC : Il semble que pour vous la femme est une énigme. Vous
avez écrit "un problème qui peut
trouver une issue dans l'acte sexuel ? "
PD : J'ai écrit, ça
moi ?...
MCC : Marc dit: "La
femme est supérieure à l'homme"
PD : Elle a une
certaine supériorité dans la maitrise de ses sentiments déjà. Les forces sont
variables selon les tempéraments. Il y a des hommes qui sont mentalement
extrêmement puissants, on parle là d'une puissance spirituelle, culturelle,
intellectuelle. Il faut reconnaître que les femmes ont beaucoup plus d'atouts
et un sens de la nuance beaucoup plus fort.
MCC : Paradoxalement, il semble que pour vous, les hommes ont des
sentiments plus sincères entre eux : amitié ou haine. L'amitié d'une femme est-elle
toujours feinte?
PD : Ah, non… ca c'est
votre ressenti. Entre Garance et Elsa il y a une réelle d'amitié. C'est quand
même une amitié ambiguë, comme peut l'être une amitié virile entre hommes. Il y
a toujours une lisière entre l'amour et l'amitié. Ce sont des personnages très
complexes dans leurs sentiments, dans leur construction mentale. Dans un livre
comme ça, un psychodrame, ma volonté est de révéler toute la complexité de
l'humain. Si mes personnages de temps et temps ont des paroles définitives, ça
les regarde ! Je ne partage pas tous les points de vue de mes personnages,
heureusement.
MCC : Vous écrivez page 190 : "les amis sont parfois plus redoutables qu'une corde pour se pendre".
Mais c'est quoi l'amitié ?
PD : L'amitié vous fait
faire des bêtises. Vous pouvez par amitié aller jusqu'au meurtre, pour sauver
un être cher. Comme l'amour, d'ailleurs ! Le vrai sentiment est dangereux dans
la manière de l'éprouver et aussi dans sa traduction dans la vie réelle.
MCC : La mort rode au fil des pages. Elle semble faire
"grandir" Justine après la mort de son père. Elle éveille en elle "des sentiments de colère de vengeance, méchanceté,
des envies malsaines… " C'est une réaction propre à la jeunesse ?
PD : C'est une question
de tempérament. Justine est très tourmentée. Avec Justine, on est dans une
logique de vie. Elle a des tourments comme beaucoup d'adolescents et elle est tout
d'un coup confrontée à la mort d'un père qui en apparence n'était pas le père
le plus subtil qu'il soit. Mais avec
la mort d'un proche on a toujours une transformation de soi. On murit
inévitablement.
MCC : Marc termine le livre et l'amour filial semble triompher. L'amour
filial serait-il finalement "Le" vrai amour ?
PD : C'est ce qui
fait qu'une mère va soulever une voiture lorsqu'elle a son enfant dessous. C'est un père qui se jette à la rivière parce que son fils va se noyer… C'est ce qui est plus fort que tout. Oui,
l'amour filial est l'amour ultime mais il faut être construit comme ça ! Il y a
tant de parents qui maltraitent leurs enfants…. L'amour ça s'apprend.
MCC : Avez-vous l'âme d'un bâtisseur comme Bernard ? Ce roman,
en particulier, vous permettra-il de "laisser
une trace sur la terre, à défaut de la dominer ?"
PD : Oui, on a un peu
ce fantasme en tant que créateur de laisser une trace. J'ai appris que je
faisais mon entrée dans l'encyclopédie Universalis ; ça me fait plaisir, ça me
fait Grand plaisir, même. La confirmation d'un travail accompli, oui, je suis
un bâtisseur mais moi c'est l'encre et pas le béton. Mais je suis fasciné par un
personnage comme Bernard car c'est un personnage entier et pas méchant.
MCC : Finalement, connaissez-vous le nom de cet insecte qui fascine
Serge et qui fait penser à un colibri butinant les géraniums ? Je peux vous le
dire si vous ne le savez pas.
PD : RIRE…..
Je suis content,
on ne m'avait pas encore posé cette question.
Le jeu, c'est de
ne pas donner le nom. C'est important dans la psychologie du personnage de Serge.
Il n'est pas dans la désignation des choses ; il collecte, c'est un botaniste,
un ornithologue, celui qui est dans cette posture "contemplative",
poétique… j'aurais dû le lui demander !
Oui bien sûr que je
connais le nom… Et il y a deux espèces.
C'est Mon sphinx !
MCC : MERCI
Merci à toi Marie-Claude !